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dimanche 5 mars 2017

Instant découverte: début de mon roman en cours




Prologue



Angleterre, 1820



Depuis deux ans, le royaume de Ténégria, avait perdu de sa splendeur. Les surnaturels avaient connu la liberté, l’amour et la joie. Désormais, ils subissaient la tyrannie d’un groupe d’hommes et de femmes ayant choisi de prendre le pouvoir par la force. Ils semaient la mort et la terreur pour asseoir leur autorité et continuer à gouverner le monde de la nuit. Ils se faisaient appeler l’Ordre. Au sommet de cette organisation se trouvaient trois êtres aussi cruels que puissants. Morgane, la sorcière adepte de la magie noire, Sébastian, le vampire sans cœur et Ludwig, un loup-garou tortionnaire inconnu jusqu’alors. La résistance s’était très vite mise en place. Malheureusement, elle fut écrasée encore plus rapidement. De nombreuses personnes avaient péri suite à l’Avènement de l’Ordre en tentant de les combattre. 



La rébellion avait fini par renaitre de ses cendres. Ayant appris des erreurs de ses prédécesseurs, elle évoluait désormais dans l’ombre et dans l’anonymat sous l’appellation La Ligue.



Chapitre 1 Une histoire de vengeance



Londres, novembre 1820



La vie était loin d’être un long fleuve tranquille, Alicia Grenel, une jeune femme de vingt-trois ans, était bien placée pour le savoir. Il suffisait de voir sa nouvelle condition de servante et son aspect chétif, pour comprendre que quelque chose avait mal tourné.  Deux ans plus tôt, elle était encore heureuse, entourée d’une famille aimante et de nombreux amis. Elle portait de magnifiques toilettes, s’instruisait avec les meilleurs précepteurs. Même si certaines personnes jalousaient sa beauté et son succès auprès de la gent masculine, dans l’ensemble tout allait pour le mieux.  Puis un soir, l’enfer s’était déchainé. Tous ceux qu’elle aimait avaient péri sous ses yeux. Tout ce qu’elle possédait avait été détruit et il ne lui restait plus que son chagrin et les souvenirs sanglants qui continuaient à la hanter chaque nuit. 

Aujourd’hui, elle n’était plus qu’une domestique au service de la noblesse. Obligée de courber l’échine, d’obéir à des ordres souvent déshonorants, elle avait dû faire une croix sur son bonheur et sa joie de vivre. Même si le temps finissait toujours par guérir les blessures, pour le moment elles étaient encore à vif. Toutefois, s’il y avait bien un point sur lequel jamais elle ne fléchirait, c’était celui d’assouvir sa vengeance. Un jour viendrait où celle qui l’avait délestée de sa vie périrait de sa main. En attendant, elle devait jouer la comédie afin que tout le monde la croie innocente et fragile.  Aussi, avant de commencer une nouvelle journée de travail, elle prit soin d’inspecter une dernière fois son uniforme à l’aide d’un petit miroir bordé d’or, ultime vestige de son passé si radieux. Comme chaque matin, elle grimaça en étudiant l’étrangère qui lui faisait face. Avec ses joues creuses, son teint blafard et ses boucles brunes sans vie, elle peinait à se reconnaître.  Très vite, elle repoussa ses funestes pensées dans un coin de son esprit, quitta sa modeste chambre et emprunta l’escalier de service pour se rendre dans les cuisines. Lesquelles étaient déjà en pleine effervescence pour la préparation de l’évènement exceptionnel de la soirée. Pour la première fois, le bal ouvrant les festivités de la nouvelle saison mondaine aurait lieu chez les Bradford, ses maîtres.  En vérité, Lady Bradford avait empoisonné l’existence de son époux pendant des jours jusqu’à ce qu’il lui cède et obtienne de nouveau la paix dans sa demeure.  Préférant fuir la pièce trop bondée à son goût, Alicia se contenta de saluer Mathilde la cuisinière avant de ressortir. De toutes les personnes vivant sous ce toit, c’était la seule qu’elle pouvait qualifier d’amie. Même si aux premiers abords cette dernière pouvait paraître bourrue avec sa corpulence plus généreuse que la moyenne et sa cuillère en bois toujours brandie. En réalité c’était une femme adorable qui avait le cœur sur la main. Elle l’avait immédiatement prise sous son aile devinant son cœur brisé, mais jamais elle ne l’avait interrogée sur ce qui la chagrinait respectant ainsi son jardin secret. 



En posant un pied dans le vestibule, elle faillit percuter deux hommes transportant une table en direction de la salle de bal d’où s’élevait la voix haut perchée de la duchesse Bradford. Ayant appris à la connaître, Alicia l’imagina sans mal se lever aux aurores pour superviser les préparatifs, afin que tout soit digne d'elle. C’était une lady jusqu’au bout des ongles, toujours parfaitement parée, jamais un mot plus haut que l’autre (sauf concernant ses domestiques) et surtout très exigeante sur la tenue de sa maison. Cette réception devait signer son heure de gloire aussi n’avait-elle pas droit à l’erreur.  L’immense horloge installée en plein cœur du hall sonna huit heures. Alicia soupira, stoppa son dépoussiérage et monta au premier étage réveiller Audrey, l’unique enfant (Dieu merci) des Bradford.  La demoiselle venait de fêter ses dix-sept ans et, ce soir s’apprêtait à faire son entrée dans le grand monde. Avec ses cheveux blonds, ses yeux gris et son teint de porcelaine, elle serait sans aucun doute la reine du bal. Pourtant, il ne fallait jamais se fier aux apparences.



Sous ses airs angéliques, c’était en fait une véritable peste. Habituée à voir sa mère céder à tous ses caprices, elle se comportait telle une enfant gâtée et malheur à ceux qui osaient se mettre en travers de son chemin. Les domestiques se faisaient rosser, ses amies quittaient parfois la demeure en pleurs, blessées et humiliées. Alicia avait essuyé plusieurs fois les foudres de sa colère. Désormais elle obéissait docilement même si elle bouillait intérieurement.  À l’étage, elle croisa Victor le majordome qui comme à son habitude l’observait avec suspicion. Elle ignorait pourquoi, mais depuis son arrivée il l’avait prise en grippe. Âgé d’une quarantaine d’années, bien bâti, toujours aux aguets, il avait plus l’allure d’un ancien soldat que d’un domestique. Refluant le mal-être qu’il déclenchait chez elle, elle le dépassa en le saluant et en souriant. Sourire qui s’effaça une fois son visage soustrait à la vue du serviteur. Comme tous les matins, Alicia entra dans la chambre et ouvrit en grand les rideaux. Et comme tous les matins, une plainte résonna de sous un amas de couvertures.



Contrairement à beaucoup d’autres familles issues de la noblesse, chez les Bradford, il était inconcevable de rester couché jusqu' à midi, sauf en cas de veillée tardive. Une règle particulièrement peu appréciée par leur progéniture.  Alicia s’approcha du lit et rabattit les draps, faisant ainsi apparaître une Audrey encore groggy.
— Bonjour Mademoiselle, prononça-t-elle d’un air faussement enjoué. Il est temps de vous lever, vous avez un programme chargé aujourd’hui. Dois-je vous rappeler le bal qui aura lieu ce soir ici même ?
La réaction de la jeune fille ne se fit pas attendre. Totalement réveillée, elle faillit tomber en essayant de descendre trop vite du lit, mais se rattrapa juste à temps. Son enthousiasme fit remonter des souvenirs à la surface et Alicia ressentit un pincement au cœur en se remémorant sa première réception. Ce soir-là, elle portait une robe bleu nuit, son carnet de bal s’était rempli dans les toutes premières minutes de son arrivée. Elle avait dansé toute la soirée avec de nombreux gentlemen qui se disputaient pour avoir l’honneur de lui tenir compagnie. Mais en réalité, elle n’avait eu d’yeux que pour un seul, Lord Perkins. Il était si beau dans son costume sombre, son sourire avait fait battre son cœur beaucoup plus vite que d’ordinaire. Sa mère avait été enchantée de son succès et de l’attention du jeune Perkins donnée à sa personne.
— Alicia, arrêtez donc de rêvasser et venez m’aider à m’habiller. Je dois parler à mère avant le début de mes leçons.
La voix sèche d’Audrey la ramena à la réalité. Elle se dépêcha de l’assister, s’obligeant à ne plus penser à ce qu’elle avait perdu et ne pourrait jamais retrouver. Une fois seule, Alicia rangea la pièce, fit le lit et redescendit prêter mains fortes pour les préparatifs de la soirée.  Elle détestait sa vie, pourtant elle n’avait pas eu le choix. Soit elle se résignait à cet emploi de femme de chambre, soit elle dormait dehors avec les autres miséreux. Les premières semaines furent critiques, car endosser le rôle d’une fille de basse classe sans éducation n’avait pas été chose facile. Un métier ingrat difficile à accepter au vu de son passé. Cependant, quelque part, elle s’estimait chanceuse. Au moins, elle possédait un toit, mangeait à sa faim, mais surtout était toujours en vie. Et puis, contrairement à d’autres, le Duc de Bradford aimait son épouse et ne batifolait jamais avec ses domestiques.



*****



Minuit approchait. Alicia s’affairait dans la cuisine tout en contemplant la pendule et les minutes qui s’égrenaient, trop doucement à son goût.
— Je descends chercher du vin, prétexta-t-elle à l’attention de Mathilde.
Une fois seule, elle se dirigea dans la direction opposée de la cave, vers la bibliothèque. Ce soir, elle passait enfin à l’action. Une partie d’elle était nerveuse à l’idée d’être exposée, mais l’autre exultait. S’il elle ne s’était pas trompée, elle se rapprochait du but et obtiendrait bientôt sa vengeance. 

Elle longeait discrètement le corridor quand elle aperçut au loin un couple s’embrassant sans la moindre pudeur. Elle se cacha pour ne pas être vue tout en pestant sur ces invités sans gêne. Se penchant légèrement pour vérifier si la voie était libre, elle avisa les tourtereaux qui se faufilaient dans l’un des nombreux petits salons et put aisément les reconnaître. Lucas Perkins et Lavinia Osbourne. À savoir son ex-fiancé et sa rivale depuis l’enfance.  Elle mentirait si elle disait que cela ne la blessa pas, toutefois, elle avait depuis longtemps tourné la page sur cet homme qui l’avait fait rêver avant de lui briser le cœur.  Une fois dans la bibliothèque, elle ne perdit pas de temps. Elle grimpa sur les premiers barreaux de l’échelle accrochée à l’une des étagères et abaissa l’un des livres. Aussitôt, un déclic résonna dans la pièce et un pan de mur se détacha légèrement laissant entrevoir une petite ouverture à l’intérieur de laquelle la jeune femme se faufila. Un coffre en bois était disposé sur un petit guéridon. Elle souleva le couvercle et s’empara d’un petit carnet relié de cuir noir. Puis elle remit tout en place et sortit avant de se diriger vers les jardins où elle était attendue.  




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