Prologue
Angleterre, 1820
Depuis deux ans, le royaume de Ténégria, avait
perdu de sa splendeur. Les surnaturels avaient connu la liberté, l’amour et la
joie. Désormais, ils subissaient la tyrannie d’un groupe d’hommes et de femmes
ayant choisi de prendre le pouvoir par la force. Ils semaient la mort et la
terreur pour asseoir leur autorité et continuer à gouverner le monde de la
nuit. Ils se faisaient appeler l’Ordre. Au sommet de cette organisation se
trouvaient trois êtres aussi cruels que puissants. Morgane, la sorcière adepte
de la magie noire, Sébastian, le vampire sans cœur et Ludwig, un loup-garou
tortionnaire inconnu jusqu’alors. La résistance s’était très vite mise en
place. Malheureusement, elle fut écrasée encore plus rapidement. De nombreuses
personnes avaient péri suite à l’Avènement de l’Ordre en tentant de les
combattre.
La rébellion avait fini par renaitre de ses
cendres. Ayant appris des erreurs de ses prédécesseurs, elle évoluait désormais
dans l’ombre et dans l’anonymat sous l’appellation La Ligue.
Chapitre
1 Une histoire de vengeance
Londres,
novembre 1820
La vie était loin d’être un long fleuve
tranquille, Alicia Grenel, une jeune femme de vingt-trois ans, était bien
placée pour le savoir. Il suffisait de voir sa nouvelle condition de servante
et son aspect chétif, pour comprendre que quelque chose avait mal tourné. Deux ans plus tôt, elle était encore
heureuse, entourée d’une famille aimante et de nombreux amis. Elle portait de
magnifiques toilettes, s’instruisait avec les meilleurs précepteurs. Même si
certaines personnes jalousaient sa beauté et son succès auprès de la gent
masculine, dans l’ensemble tout allait pour le mieux. Puis un soir, l’enfer s’était déchainé. Tous
ceux qu’elle aimait avaient péri sous ses yeux. Tout ce qu’elle possédait avait
été détruit et il ne lui restait plus que son chagrin et les souvenirs
sanglants qui continuaient à la hanter chaque nuit.
Aujourd’hui, elle n’était plus qu’une domestique
au service de la noblesse. Obligée de courber l’échine, d’obéir à des ordres
souvent déshonorants, elle avait dû faire une croix sur son bonheur et sa joie
de vivre. Même si le temps finissait toujours par guérir les blessures, pour le
moment elles étaient encore à vif. Toutefois, s’il y avait bien un point sur
lequel jamais elle ne fléchirait, c’était celui d’assouvir sa vengeance. Un
jour viendrait où celle qui l’avait délestée de sa vie périrait de sa main. En
attendant, elle devait jouer la comédie afin que tout le monde la croie
innocente et fragile. Aussi, avant de
commencer une nouvelle journée de travail, elle prit soin d’inspecter une
dernière fois son uniforme à l’aide d’un petit miroir bordé d’or, ultime
vestige de son passé si radieux. Comme chaque matin, elle grimaça en étudiant
l’étrangère qui lui faisait face. Avec ses joues creuses, son teint blafard et
ses boucles brunes sans vie, elle peinait à se reconnaître. Très vite, elle repoussa ses funestes pensées
dans un coin de son esprit, quitta sa modeste chambre et emprunta l’escalier de
service pour se rendre dans les cuisines. Lesquelles étaient déjà en pleine effervescence
pour la préparation de l’évènement exceptionnel de la soirée. Pour la première
fois, le bal ouvrant les festivités de la nouvelle saison mondaine aurait lieu
chez les Bradford, ses maîtres. En
vérité, Lady Bradford avait empoisonné l’existence de son époux pendant des
jours jusqu’à ce qu’il lui cède et obtienne de nouveau la paix dans sa
demeure. Préférant fuir la pièce trop
bondée à son goût, Alicia se contenta de saluer Mathilde la cuisinière avant de
ressortir. De toutes les personnes vivant sous ce toit, c’était la seule
qu’elle pouvait qualifier d’amie. Même si aux premiers abords cette dernière
pouvait paraître bourrue avec sa corpulence plus généreuse que la moyenne et sa
cuillère en bois toujours brandie. En réalité c’était une femme adorable qui
avait le cœur sur la main. Elle l’avait immédiatement prise sous son aile
devinant son cœur brisé, mais jamais elle ne l’avait interrogée sur ce qui la
chagrinait respectant ainsi son jardin secret.
En posant un pied dans le vestibule, elle faillit
percuter deux hommes transportant une table en direction de la salle de bal
d’où s’élevait la voix haut perchée de la duchesse Bradford. Ayant appris à la
connaître, Alicia l’imagina sans mal se lever aux aurores pour superviser les
préparatifs, afin que tout soit digne d'elle. C’était une lady jusqu’au bout
des ongles, toujours parfaitement parée, jamais un mot plus haut que l’autre
(sauf concernant ses domestiques) et surtout très exigeante sur la tenue de sa
maison. Cette réception devait signer son heure de gloire aussi n’avait-elle
pas droit à l’erreur. L’immense horloge
installée en plein cœur du hall sonna huit heures. Alicia soupira, stoppa son
dépoussiérage et monta au premier étage réveiller Audrey, l’unique enfant (Dieu
merci) des Bradford. La demoiselle
venait de fêter ses dix-sept ans et, ce soir s’apprêtait à faire son entrée
dans le grand monde. Avec ses cheveux blonds, ses yeux gris et son teint de
porcelaine, elle serait sans aucun doute la reine du bal. Pourtant, il ne
fallait jamais se fier aux apparences.
Sous ses airs angéliques, c’était en fait une
véritable peste. Habituée à voir sa mère céder à tous ses caprices, elle se
comportait telle une enfant gâtée et malheur à ceux qui osaient se mettre en
travers de son chemin. Les domestiques se faisaient rosser, ses amies
quittaient parfois la demeure en pleurs, blessées et humiliées. Alicia avait
essuyé plusieurs fois les foudres de sa colère. Désormais elle obéissait
docilement même si elle bouillait intérieurement. À l’étage, elle croisa Victor le majordome
qui comme à son habitude l’observait avec suspicion. Elle ignorait pourquoi,
mais depuis son arrivée il l’avait prise en grippe. Âgé d’une quarantaine
d’années, bien bâti, toujours aux aguets, il avait plus l’allure d’un ancien
soldat que d’un domestique. Refluant le mal-être qu’il déclenchait chez elle,
elle le dépassa en le saluant et en souriant. Sourire qui s’effaça une fois son
visage soustrait à la vue du serviteur. Comme tous les matins, Alicia entra
dans la chambre et ouvrit en grand les rideaux. Et comme tous les matins, une
plainte résonna de sous un amas de couvertures.
Contrairement à beaucoup d’autres familles issues
de la noblesse, chez les Bradford, il était inconcevable de rester couché
jusqu' à midi, sauf en cas de veillée tardive. Une règle particulièrement peu
appréciée par leur progéniture. Alicia
s’approcha du lit et rabattit les draps, faisant ainsi apparaître une Audrey
encore groggy.
— Bonjour Mademoiselle, prononça-t-elle d’un air faussement
enjoué. Il est temps de vous lever, vous avez un programme chargé aujourd’hui.
Dois-je vous rappeler le bal qui aura lieu ce soir ici même ?
La réaction de la
jeune fille ne se fit pas attendre. Totalement réveillée, elle faillit tomber
en essayant de descendre trop vite du lit, mais se rattrapa juste à temps. Son
enthousiasme fit remonter des souvenirs à la surface et Alicia ressentit un
pincement au cœur en se remémorant sa première réception. Ce soir-là, elle
portait une robe bleu nuit, son carnet de bal s’était rempli dans les toutes
premières minutes de son arrivée. Elle avait dansé toute la soirée avec de
nombreux gentlemen qui se disputaient pour avoir l’honneur de lui tenir
compagnie. Mais en réalité, elle n’avait eu d’yeux que pour un seul, Lord
Perkins. Il était si beau dans son costume sombre, son sourire avait fait
battre son cœur beaucoup plus vite que d’ordinaire. Sa mère avait été enchantée
de son succès et de l’attention du jeune Perkins donnée à sa personne.
—
Alicia, arrêtez donc de rêvasser et venez m’aider à m’habiller. Je dois parler
à mère avant le début de mes leçons.
La voix sèche d’Audrey la ramena à la
réalité. Elle se dépêcha de l’assister, s’obligeant à ne plus penser à ce
qu’elle avait perdu et ne pourrait jamais retrouver. Une fois seule, Alicia
rangea la pièce, fit le lit et redescendit prêter mains fortes pour les
préparatifs de la soirée. Elle détestait
sa vie, pourtant elle n’avait pas eu le choix. Soit elle se résignait à cet
emploi de femme de chambre, soit elle dormait dehors avec les autres miséreux.
Les premières semaines furent critiques, car endosser le rôle d’une fille de
basse classe sans éducation n’avait pas été chose facile. Un métier ingrat
difficile à accepter au vu de son passé. Cependant, quelque part, elle
s’estimait chanceuse. Au moins, elle possédait un toit, mangeait à sa faim,
mais surtout était toujours en vie. Et puis, contrairement à d’autres, le Duc
de Bradford aimait son épouse et ne batifolait jamais avec ses domestiques.
*****
Minuit approchait. Alicia s’affairait dans la
cuisine tout en contemplant la pendule et les minutes qui s’égrenaient, trop
doucement à son goût.
— Je descends chercher du vin, prétexta-t-elle à
l’attention de Mathilde.
Une fois seule, elle se dirigea dans la direction
opposée de la cave, vers la bibliothèque. Ce soir, elle passait enfin à
l’action. Une partie d’elle était nerveuse à l’idée d’être exposée, mais
l’autre exultait. S’il elle ne s’était pas trompée, elle se rapprochait du but
et obtiendrait bientôt sa vengeance.
Elle longeait discrètement le corridor quand elle
aperçut au loin un couple s’embrassant sans la moindre pudeur. Elle se cacha
pour ne pas être vue tout en pestant sur ces invités sans gêne. Se penchant
légèrement pour vérifier si la voie était libre, elle avisa les tourtereaux qui
se faufilaient dans l’un des nombreux petits salons et put aisément les
reconnaître. Lucas Perkins et Lavinia Osbourne. À savoir son ex-fiancé et sa
rivale depuis l’enfance. Elle mentirait
si elle disait que cela ne la blessa pas, toutefois, elle avait depuis
longtemps tourné la page sur cet homme qui l’avait fait rêver avant de lui
briser le cœur. Une fois dans la
bibliothèque, elle ne perdit pas de temps. Elle grimpa sur les premiers barreaux
de l’échelle accrochée à l’une des étagères et abaissa l’un des livres.
Aussitôt, un déclic résonna dans la pièce et un pan de mur se détacha
légèrement laissant entrevoir une petite ouverture à l’intérieur de laquelle la
jeune femme se faufila. Un coffre en bois était disposé sur un petit guéridon.
Elle souleva le couvercle et s’empara d’un petit carnet relié de cuir noir.
Puis elle remit tout en place et sortit avant de se diriger vers les jardins où
elle était attendue.
Très intéressant ! J'aime beaucoup ;)
RépondreSupprimermerci beaucoup :)
SupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerTu ne le vois pas, mais je rougis là
RépondreSupprimerJ'ai remis mon commentaire au dessous, j'avais fait une faute lol
SupprimerTu t'es affirmée dans ton écriture, j'aime <3
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